Les enfarinés
Le fameux village au fin fond de la commune limitrophe de l'Aveyron ou eu lieu les
évènements des enfarinés de 1801 a 1911 .Il ne reste malheureusement plus de traces de leur ancienne chapelle.
Le hameau de La Bécarie se présentait comme un grand plateau fertile soutenu d'un contrefort de rochers tumultueux qu'on eut pu croire prêts à plonger dans les eaux attirantes du Lot.
Un épisode important de la vie
religieuse débuta en 1801, à la signature du Concordat et qui perdurera jusqu'en 1929. En effet, Villecomtal fut " La Petite Rome " de " La Petite
Eglise ". Ses adeptes étaient alors appelés " Les Enfarinés ". En Aveyron, sous l’impulsion de Monseigneur Colbert de Seignelay, évêque de
Rodez, la résistance à La Constitution Civile du Clergé fut active. La « Société Ecclésiastique » composée de prêtres réfractaires, dont à Villecomtal les abbés Delhom et Régis, fut une
de ces cellules dirigées de Londres où l’évêque s’était réfugié.
En 1800, la nécessité de normaliser les relations diplomatiques avec le Vatican et de
remettre de l’ordre dans l’Eglise de France se fit de plus en plus pressante et une négociation fut engagée entre Bonaparte, Premier Consul, et le cardinal Spina, envoyé spécial de Pie VII, pour
aboutir en 1801 au Concordat promulgué à Paris en 1802.
Trente cinq évêques anticonstitutionnels, dont celui de Rodez, tous résidant hors de
France, en refusèrent les dispositions et entrèrent en dissidence contre Pie VII qui leur demandait de démissionner. Ils se servirent de leurs réseaux pour lutter contre le Concordat et
l’administration de leur diocèse par les nouveaux promus.
En Rouergue, de nombreux ecclésiastiques suivirent les consignes données par l’ex-évêque
Colbert de Seignelay démis par le Vatican. A Villecomtal, les abbés Delhom et Régis se distinguèrent par leur zèle anticoncordataire au point qu’ils furent considérés comme les pontifes de
« La Petite Eglise », autre nom donné à la dissidence du Rouergue.
Le rétablissement de la royauté en 1814/1815 et l’abolition du Concordat en 1905 ne
changèrent pas l’attitude de « la Petite Eglise ».
Plus de 24 paroisses aveyronnaises et 3 dans le Cantal adhérèrent à ce
mouvement.
Leurs fidèles vinrent en grand nombre, jusqu’à un millier d’après les rapports de la
police, assister aux messes célébrées à Villecomtal par l’abbé Delhom au lieu-dit « Le Taulan » et l’abbé Régis à « Los Topis ».
On les nommait « Les Enfarinés » car à l’instar des us de l’Ancien Régime, dont
ils se réclamaient, sans pour autant qu’on puisse les considérer comme des royalistes avérés, les hommes dénouaient leurs cheveux qu’ils portaient longs et les poudraient avec de la farine (faute
de poudre de riz) pour assister aux offices religieux.
Les femmes vêtues de noir, portaient un bonnet à mentonnière, un scapulaire autour du cou
et un grand chapelet de buis autour de la taille.
Après le décès des derniers prêtres de l’ancien régime, elles firent perdurer La
Petite Eglise en organisant de pieuses réunions qui servaient de messe.
Le dernier fidèle en Rouergue est mort en 1929, dans un village voisin de Villecomtal en
prononçant les dernières paroles « Soy Enfarinat »
Reliques que les
enfarinés ont sauvé à la révolution de 1789 qu'ils avaient gardé dans leur chapelle.
Les cinq membres de la famille Malbert de la Bécarie ont été les derniers Enfarinés du
Rouergue.
A partir de 1810, les enfarinés s’étiole, faute
de prêtres. Les fidèles, observateurs stricts de la morale catholique, continuèrent leurs réunions du dimanche, leurs lectures pieuses, leurs longues prières. Ils se baptisaient eux-mêmes,
n'entraient pas dans les églises et n'admettaient pas de prêtres au chevet de leurs malades. Les obsèques se déroulaient simplement au cimetière, présidées par le plus ancien des
Enfarinés.
Cassaniouze eut le monopole de la persévérance,
car la Petite Eglise y survécut jusqu'en 1911, année où Mgr Lecoeur, évêque de Sint-Flour, vint recevoir l'abjuration des derniers Enfarinés qui vivaient au hameau de la Bécarie. Signalons que la
dernière survivante de ces convertis mourut en 1929, âgée de 88 ans.
Le curé de Cassaniouze en 1911 était l'abbé
Gibial. Il publia en 1912 une histoire de la "Petite Eglise" remplie de détails pittoresques.
Le Hameau de la Bécarie
Elle parle d'eux avec respect. Elle nous montre
des photographies. Voici la cheminée dominée par un vieux crucifix. "C'est le Christ que priaient les derniers enfarinés. Il n'a pas bougé de là". A côté, la chapelle où ils faisaient leurs
longues prières et où ils lisaient la Bible. Le dimanche, avec les domestiques, ils récitaient l'ordinaire de la messe, et le soir les vêpres. Durant tout le Carême, on ne mangeait ni viande, ni
œufs. On ne se servait ni de beurre ni de crème. On faisait la soupe à l'huile et toute la famille jeûnait tous les jours jusqu'au Samedi Saint. Jamais on ne travaillait le dimanche, ni même aux
fêtes supprimées par le Concordat.
Dans mon esprit, j'évoque la scène du 9 mai
1911, qui vit la rentrée dans l'Eglise de ces admirables réfractaires, dignes émules des religieuses et des messieurs de Port-Royal. Je crois voir la majestueuse figure de Mgr Lecoeur qui reçut
l'abjuration des Malbert et qui leur donna le sacrement de Confirmation…
Peu à peu meurent ceux qui les connurent de
près. Sœur Marie-Odile, religieuse de la Sainte-Famille à Aurillac, se souvient toujours de l'arrivée du bel évêque à la Bécarie et de la bénédiction qu'il lui donna avec son sourire inoubliable
et sa bonté majestueuse. Quelques vieillards conservent le souvenir ému de Jeanne Malbert qui, chaque matin, venait, à jeun, à l'église de Cassaniouze, entendre la messe et communier. Sept
kilomètres aller, Sept kilomètres retour, ne faisaient pas peur à cette convertie. Elle repose maintenant au cimetière du bourg avec les siens.
En Picardie le mouvement de la petite église
portait le nom de l’église des puristes.
D'après le livre "Les Enfarinés" de Jean-Paul Desprat aux éditions
du Rouergue.